Lanceurs d’alerte : la loi Sapin 2 va-t-elle assez loin ?

Mieux valait jusqu’à présent ne pas être lanceur d’alerte en France. De tous les pays de l’Union européenne, la patrie des droits de l’homme était l’un des derniers à ne pas s’être doté d’un dispositif général de protection des « whistleblowers », ces hommes et ces femmes qui, un jour, dénoncent des faits contraires à l’intérêt général. Les rares Français à s’y être essayés en paient lourdement les conséquences : placardisés, souvent licenciés, ils passent leur temps dans les prétoires et peinent à retrouver un emploi – quand ils ne vivent pas des minima sociaux. Mais voilà que l’arrivée, en première lecture, lundi 6 juin, de la loi Sapin 2, qui affirme vouloir protéger ces nouveaux héros du quotidien, promet de changer la donne.

Ce texte arrive certes trop tard pour régler la situation de Stéphanie Gibaud et de Nicolas Forissier, qui ont tout perdu pour avoir dénoncé les pratiques présumées de fraude fiscale de la banque suisse UBS. Trop tard également pour Antoine Deltour, ancien auditeur de PricewaterhouseCoopers, sur le sort duquel la justice luxembourgeoise doit se prononcer le 29 juin : il risque dix ans de prison et plus de 1 million d’euros d’amende pour avoir révélé un vaste système d’optimisation fiscale dans le cadre des LuxLeaks. Mais lors de l’annonce du projet de loi, au début de l’année, tous se sont réjouis que le lobbying mené ces derniers mois aux côtés des ONG ait porté ses fruits. Leurs cadets, pensaient-ils, pourraient dénoncer sans crainte : ils ne seront plus « suspendus dans le vide », selon les mots de Yann Galut, député (PS) du Cher, leur plus fervent soutien à l’Assemblée.

Malgré les assurances du ministre des finances, Michel Sapin, en ouverture de séance, lundi 6 juin, c’est pourtant la douche froide. La définition du lanceur d’alerte votée par l’Assemblée nationale, socle de tout le dispositif, n’a rien à voir avec celle retenue en commission des lois. Pis : elle est « une régression grave et inquiétante des droits acquis au cours des précédentes lois », déplore Nicole Marie Meyer, chargée de mission alerte éthique à Transparency ­International. Le lanceur d’alerte sera protégé à condition que les faits signalés soient contraires à la loi ou « présentent des risques ou des préjudices graves pour l’environnement ou pour la santé ou la sécurité publique ». Bref, ce que permettent déjà les textes. En revanche, un Antoine Deltour ne sera toujours pas protégé puisque l’optimisation fiscale n’est pas pénalement répréhensible. Pour une loi qui arrive après les LuxLeaks et les « Panama ­papers », c’est un sacré loupé.

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