«Julian Assange révèle la face noire des démocraties occidentales»

L’acteur et metteur en scène Denis Podalydès est intervenu en vidéo lors de la soirée «Quand ils sont venus chercher Assange», organisée par l’Institut de recherche et d’innovation et Ars Industrialis avec «Libération», dimanche. En voici le texte.

Je suis comme, je pense, beaucoup de gens de ma génération et des générations qui m’ont précédé, l’héritier d’une idée de la démocratie qui nous vient des Lumières : l’autonomie de l’homme, la liberté humaine, Rousseau, Hegel, Kant… Il s’agit du fond culturel dans lequel j’ai été élevé. Dans cet héritage-là, la vérité est quelque chose qui finit toujours par se dire, s’admettre. Cela prend parfois du temps, mais la vérité, dans tous les domaines, advient. Et la démocratie est précisément fondée sur un rapport à la vérité et sur la divulgation de la vérité.

Je me rappelle du cours de Michel Foucault, auquel j’ai assisté deux fois, sur «Le courage de la vérité», dans lequel il parlait évidemment de Socrate. Je m’étais alors dit que la vérité était quelque chose qui n’allait pas forcément de soi : elle ne se divulgue pas toute seule, il faut des personnes, des volontés qui la divulguent, qui la disent, et parfois cela coûte un certain prix.

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J’ai toujours pensé que c’était dans les gouvernements non démocratiques, dans les dictatures, que le prix à payer était le plus fort, qu’il allait jusqu’au prix de la vie, et que dans les démocraties, surtout les démocraties modernes, l’accès à la vérité était une chose relativement naturelle. Julian Assange est la preuve qu’il n’en est rien, que dire la vérité suppose toujours un courage gigantesque, dont peu de gens finalement sont capables.

Dire la vérité, c’est quelque chose qui me semble à la fois nécessaire et parfois presque inhumain. La vérité est toujours extrêmement difficile à dire, d’ailleurs c’est pour cela qu’on invente des lieux comme les théâtres, pour qu’elle puisse être dite de manière médiée, dite sans être dite véritablement, dite mais mise en situation, mise sur fond de fiction, afin qu’elle puisse quand même surgir avec force, mais qu’elle n’ait pas cette confrontation directe avec la réalité qui parfois crée tout simplement de la violence.

Quelqu’un comme Julian Assange est un acteur de cette vérité-là, mais acteur sur une scène gigantesque et terrible qui est la scène de la réalité du monde contemporain. C’est d’autant plus violent à penser que c’est un homme qui a quasiment le monde entier contre lui, et qui dit en même temps une vérité assez simple : il dénonce la face noire de la démocratie occidentale, tout simplement. A ce titre-là, il mérite l’attention de tous les gens de bonne foi, de tous les démocrates, de tous ceux qui se réfèrent à un idéalisme démocratique dans lequel la vérité doit être souveraine et doit être dite.

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