Sans #IrèneFrachon, il n’y aurait pas d’affaire #Mediator. Pneumologue au CHU de Brest, elle a révélé au grand public une catastrophe sanitaire que le monde médical s’acharnait à nier depuis plus d’une décennie. Les dangers du médicament-poison commercialisé par le groupe #Servier étaient connus bien avant que la #lanceusedalerte ne les dénonce en 2009. Mais l’inertie générale des autorités sanitaires, leur incroyable propension à ignorer les signaux d’alarme, la corruption des experts achetés par Servier, et la duplicité du labo qui n’ignorait rien des risques de son produit, ont abouti à mettre en place un lourd couvercle de silence sur les morts causées par le Mediator.
Ce couvercle de silence, Irène Frachon aura été la première à oser le soulever. Pour y parvenir, elle a dû réécrire l’histoire du Mediator, ligne par ligne, puisque ceux qui savaient ne parlaient pas. Elle s’est heurtée à l’hostilité et à la rétention d’information, souvent exercée par ceux qui, en principe, auraient dû être ses alliés.
En 1991, dix-huit ans avant d’affronter les foudres du laboratoire et le corporatisme de ses collègues, Irène Frachon, jeune médecin, fait son internat dans le service de pneumologie du professeur Pierre Duroux, à l’hôpital Antoine-Béclère de Clamart. Elle apprend à soigner une maladie du poumon rare et gravissime, souvent fatale, l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP).
Duroux et ses collègues ont observé que l’Isoméride, un coupe-faim commercialisé par Servier, provoque des HTAP chez des jeunes femmes jusque-là en parfaite santé. Quelques années plus tard, on comprendra que le Mediator, cousin chimique de l’Isoméride même si Servier le présente comme un antidiabétique, a les mêmes effets néfastes.
À l’époque, Irène Frachon a quitté Béclère et ne s’occupe plus de l’hypertension artérielle pulmonaire. De 1992 à 1996, elle travaille à l’hôpital Foch de Suresnes. Fin 1996, elle rejoint son mari dans le Finistère et prend un poste d’attachée de recherche clinique au CHU de Brest. Ce n’est qu’en février 2007 qu’elle retombe sur l’histoire des coupe-faim meurtriers. Des collègues de Saint-Brieuc lui adressent une patiente atteinte d’hypertension pulmonaire, qui souffre aussi d’obésité. La pneumologue découvre que la patiente a pris du Mediator pendant dix ans. Elle comprend ce qui a été dissimulé pendant de longues années : le Mediator provoque les mêmes pathologies gravissimes que l’Isoméride, des HTAP et des valvulopathies cardiaques qui fatiguent le cœur et peuvent aboutir à un tableau dramatique.
En 2009, Irène Frachon prend conscience de l’ampleur du drame sanitaire : pour la seule région de Brest, et sur une période d’à peine quelques années, elle a retrouvé une quinzaine de valvulopathies graves associées au Mediator. Combien pour toute la France ? « C’est au printemps 2009 que je prends conscience de l’importance du nombre de victimes, raconte Irène Frachon. Je découvre la réalité du charnier. »
Cette réalité, elle ne cessera de la proclamer, face à un milieu médical qui se voile la face et à des autorités sanitaires qui noient le poisson. Lorsque le Mediator est retiré du marché en catimini, à l’automne 2009, Irène Frachon comprend que le silence risque de s’installer à nouveau. Elle décide de porter le débat sur la place publique en écrivant un livre, publié début juin 2010 sous le titre : Mediator 150 mg, combien de morts ?
Quelques jours après la parution, les avocats du groupe Servier obtiennent un jugement qui interdit le sous-titre « combien de morts ? ». En vain. Le train est lancé. La censure de Servier ne fera qu’amplifier le succès du livre. Mi-octobre 2010, Le Figaro publie la première estimation du nombre de morts du Mediator : entre 500 et 1000. Xavier Bertrand, nouveau ministre de la santé, annonce la publication d’un rapport de l’IGAS pour le 15 janvier, puis la création d’un fonds d’indemnisation des victimes du Mediator.
Le 18 février 2011, le parquet de Paris ouvre deux informations judiciaires, l’une pour « tromperie aggravée », l’autre pour « homicides et blessures involontaires ». Mais l’instruction s’enlise. La justice se heurte aux actions dilatoires de Servier. Près de six ans plus tard, après une série de mises en examen (qui ont épargné les politiques), nul ne sait quand un procès se tiendra. Pour la lanceuse d’alerte, le combat continue. Entretien. …
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Par MICHEL DE PRACONTAL