Le Premier ministre travailliste, “qui avait toujours dit que ‘le patron, c’est le peuple britannique’, est resté sourd aux réclamations d’une bonne partie du pays”,déplore le journal.

De la gauche radicale aux conservateurs sceptico-lucides, tous les Britanniques éclairés – y compris ‘#TheGuardian’– savaient que quelque chose clochait. Jamais ils n’ont été aussi nombreux à descendre dans la rue [pour dénoncer ce projet d’invasion]. Reste que ce n’est pas à la volonté du peuple britannique que Tony Blair s’est plié, mais à celle du président américain.

M. Blair cite “deux raisons qui justifiaient son soutien aux Etats-Unis : il s’agissait d’une part d’influencer la façon dont l’Amérique aller mener la guerre, et de l’autre de préserver la relation entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis”rappelle The Daily Telegraph“Mais peut-être y avait-il également une motivation plus personnelle”, avance le journal :

M. Blair adore la compagnie de personnes qui ont plus de pouvoir ou d’argent que lui. Quant à savoir si son envie de s’attirer les bonnes grâces du président [américain] a contribué à cette mésaventure, il est le seul à le savoir.

“Tony Blair était avide de pouvoir et d’adulation, surtout en Amérique”observe aussi The Daily Mail“A cause de sa vanité et de son égocentrisme, les vies de 179 soldats britanniques et celles d’innombrables Irakiens innocents ont été #sacrifiées pour rien”. “Aucune preuve ne pourra ébranler sa conviction qu’il avait raison”. Car, si M. Blair s’est excusé pour les conséquences de l’#invasion, il a aussi dit ne pas regretter sa décision. Confronté à la même situation aujourd’hui, il n’agirait pas autrement.

Une Grande-Bretagne moins va-t-en-guerre

Autre effet indésirable du fiasco irakien, le Royaume-Uni est devenu particulièrement réticent à l’idée de mener des interventions militaires à l’étranger, souligne The Financial Times :

Si, par le passé, le gouvernement britannique s’est montré trop empressé de lancer des interventions inconsidérées, aujourd’hui, il semble tomber dans le travers inverse. Le Royaume-Uni a désormais une attitude défensive et son refus d’entreprendre une action militaire efficace contre le régime d’Assad en Syrie en 2013 en est devenu emblématique – du point de vue de Washington et de Paris du moins.

Par ailleurs, on ne semble pas avoir “tiré les bonnes leçons” de la guerre en Irak, regrette The Daily Telegraph, en référence à l’intervention en Libye :

Notre pays ne devrait plus jamais entrer en guerre en étant mal préparé aux conséquences. Mais le Premier ministre David Cameron n’a-t-il pas fait précisément la même chose en 2011 en Libye, pays livré au chaos depuis l’élimination brutale de Muammar Kadhafi ?

Le Royaume-Uni dans les pas des Etats-Unis

Plusieurs commentateurs nuancent cependant le rôle du Royaume-Uni dans la débâcle irakienne. Certes, “la coalition a fait de nombreuses erreurs en Irak”, concède Hayder Al-Khoei dans The Guardian. Néanmoins, “ce sont les Irakiens qui devraient endosser l’essentiel des responsabilités de leurs échecs”, estime le chercheur britannique :

L’opposition irakienne en exil avait parlé d’une justice de transition, de droits de l’homme et d’égalité. Or, une fois arrivée au pouvoir avec l’aide de la coalition menée par les Etats-Unis, sa rhétorique pacifiste s’est vite transformée en une politique destructrice de vengeance, d’abus et de corruption.

Hayder Al-Khoei regrette également que l’on tende à “exagérer le rôle du Royaume-Uni” : il rappelle que l’invasion de l’Irak “était surtout un projet américain” et que “le Royaume-Uni s’est juste laissé guider”.

Même son de cloche chez Politics, pour qui Tony Blair “n’est pas le principal coupable. C’est George W. Bush et ses conseillers désespérément stupides, arrogants et imbus de leur propre pouvoir qui tenaient à la guerre coûte que coûte”.

Méfiance vis-à-vis du gouvernement

Pour The Guardian, les actes de M. Blair ont “alimenté la méfiance du public britannique vis-à-vis de leur gouvernement, à laquelle la crise bancaire et le scandale des notes de frais des députés ont aussi contribué”. Le journal de centre gauche va jusqu’à établir un lien entre ce manque de confiance et le référendum sur la sortie du pays de l’UE : “Cette méfiance a alimenté à son tour le vote pro-Brexit”, analyse le journal.

Cette analyse trouve un écho dans les colonnes du New Statesman :

Une bonne partie des raisons qui ont contribué au vote du Brexit – la haine à l’égard des hommes politiques traditionnels, la méfiance à l’encontre des élites, l’envie que le Royaume-Uni se désengage du monde – remontent à la décision d’envahir l’Irak il y a treize ans.”

Mais en ce qui concerne la politique britannique, “c’est la gauche qui a payé le prix le plus élevé”, selon The Guardian : “elle a ouvert la voie à l’actuel dirigeant [pacifiste] Jeremy Corbyn, menant à une guerre interne du parti”. Sans l’invasion de l’Irak, “son ascension aurait été impensable”, selon le journal.

Judith Sinnige