Transparence: les ambiguïtés de la “loi Sapin 2”

Sur la protection des lanceurs d’alerte comme sur l’obligation faite aux entreprises de dévoiler des informations complètes sur leurs activités dans tous les pays du monde, la loi votée en première lecture à l’Assemblée en fin de semaine dernière affichait de très belles ambitions. Mais le compromis trouvé entre députés et gouvernement n’est pas à la hauteur.

Oui, la loi sur « la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique », adoptée en première lecture par l’Assemblée vendredi 10 juin au tout petit matin, comporte des avancées importantes. Pour la première fois en France, un statut global des lanceurs d’alerte a été voté. Pour la première fois en France, le principe d’un « reporting » public pays par pays pour les entreprises a été acté, comme nous l’avions anticipé. Mais pour ces deux questions, fondamentales dans la lutte pour la transparence et contre la fraude, les députés et les militants à la pointe du combat sont déçus. Car non, les parlementaires ne sont pas allés aussi loin qu’ils auraient pu le faire. Et certains de leurs choix s’apparentent à des occasions manquées.

Concernant les lanceurs d’alerte, d’abord. Nul ne se plaindra des nombreuses innovations intégrées dans le texte. Le Défenseur des droits pourra traiter les alertes, coordonner la protection de leurs auteurs et même leur accorder une avance pour couvrir les frais de justice contre leur employeur, mais aussi « une aide financière destinée à la réparation des dommages moraux et financiers » qu’ils auraient à subir. S’il est licencié suite à son alerte, un salarié pourra également saisir en urgence les prud’hommes, qui auront 21 jours pour décider s’il peut être maintenu dans l’entreprise ou s’il peut conserver son salaire, le temps que le cas dénoncé soit traité.

En revanche, toutes les ONG ayant travaillé sur cette question regrettent fortement la définition retenue par l’Assemblée. Selon le projet de loi, « un lanceur d’alerte est une personne qui révèle, dans l’intérêt général et de bonne foi, un crime ou un délit, un manquement grave à la loi ou au règlement, ou des faits présentant des risques ou des préjudices graves pour l’environnement, la santé ou la sécurité publiques, ou témoigne de tels agissements ». Par ailleurs, il doit agir « sans espoir d’avantage propre ni volonté de nuire à autrui ».

Cette définition est trop restrictive aux yeux des organisations qui plaidaient pour un statut global. Une quinzaine d’entre elles, dont la CGT, la CFDT, la Ligue des droits de l’homme, Transparency international ou le CCFD appellent « le gouvernement et le Parlement à reprendre la rédaction de la définition du lanceur d’alerte pour répondre à l’ambition affichée d’offrir un statut global et protecteur ». Elles regrettent que, contrairement aux définitions données par le Conseil de l’Europe en 2014, l’ONU en 2015 et tout récemment, le Conseil d’État en 2016, la définition adoptée ne protège pas explicitement ceux qui dénoncent « une menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général », sans que cette menace ou ce préjudice ne soient pleinement illégaux.

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