Célhia de Lavarène : au nom de toutes les gamines

Avec ses talons hauts et ses tailleurs bourgeois, Célhia de Lavarène n’a pas vraiment l’allure d’une pétroleuse. Elle est blonde, bien comme il faut. La particule lui vient d’un précédent mari, mais elle la porte avec sérieux. Tout, chez elle, a l’air des plus conventionnels. Jusqu’au moment où elle ouvre la bouche. « Ben alors, qu’est-ce que tu fous ! »

Célhia a une voix. Et un langage de charretier. Elle râle, elle jure, elle dégaine. Cela fait partie de son personnage, pour ainsi dire de ses attributions. Dès le début de son livre, Un visa pour l’enfer (éd. Fayard), on l’entend qui grommelle. Elle essaie de monter dans un 4 × 4 de l’ONU avec sa jupe droite. Elle insulte la jupe, la jeep, l’ONU et l’univers entier. Burt, son chauffeur, reste stoïque. Elle pense à s’excuser, puis se ravise. « Après tout, c’est moi le boss. » Chez Fayard, les correcteurs ont essayé de châtier son langage. « A la place des jurons, ils mettaient « zut » ! Mais qu’est-ce qu’ils croient ! Je me battais contre la mafia ! Je ne prenais pas le thé à 5 heures dans des tasses en porcelaine ! »

Célhia revient du Liberia, le genre de pays où l’on ne s’apitoie pas. Après quatorze ans de guerre civile, Monrovia a vu arriver, en 2004, une mission de maintien de la paix de l’ONU. 15 000 casques bleus et employés civils. Et une certaine Célhia, rapidement baptisée « the Blond Bitch » (la garce blonde) par la pègre locale ; son titre officiel étant « chef de l’unité de lutte contre le trafic des êtres humains ». Rentrée de mission en 2005, elle a écrit un livre. Pas pour se faire mousser, même si la couverture, avec le sous-titre : « Une femme combat les marchands du sexe », a tout l’air de signifier le contraire. Mais pour financer son ONG, Stop Trafficking of People (STOP), une association qui lui permettra d’aider les victimes sans dépendre de l’ONU.

Le livre parle de l’« enfer ». Dès le premier paragraphe, on est accablé par « la chaleur moite de la nuit africaine ». Malgré tout, on ne peut pas s’empêcherde tourner les pages. A cause de la voix. Et à cause de Norina et Salima, les gamines qui l’appelaient « mam » à Monrovia. « Mam » pour madame, et aussi pour maman. Célhia les a rencontrées dès sa première tournée des bars. Au Honey Club, Norina a compris tout de suite qu’une femme, dans cet endroit, ne pouvait que les aider. Elle a pris le risque de lui faire passer le message, tout en dansant pour aguicher les clients : « Au secours ! »

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